Avec sa batterie locale, sans terre rare, et recyclable, la jeune entreprise louvaniste Destore s’attaque à la décarbonation de la production de chaleur. Une première en Wallonie.
La batterie présentée ce mardi dans un labo de l’UCLouvain est encore en phase de prototypage, mais sa technologie est prometteuse. Son principe? Le surplus d'électricité produite par des panneaux solaires est transformé en chaleur via une pompe à chaleur. Cette chaleur est stockée pour être réutilisée plus tard – en chauffage ou eau chaude sanitaire.
En Wallonie, la fin du "compteur qui tourne à l'envers" risque bien d’inciter les détenteurs de panneaux solaires à se tourner vers des solutions de stockage, pour profiter de leur installation photovoltaïque – et réduire leur taxe prosumer. Or, à côté de la décarbonation de l’électricité domestique et de celle consacrée à la mobilité, se dessine aussi l’enjeu de l’électrification de la chaleur, notamment grâce aux pompes à chaleur.
Les avantages
C’est dire si le projet Destore tombe à pic. La batterie en question est prometteuse pour trois raisons. D’abord, elle n’utilise pas de "terres rares", mais des matériaux à "changement de phase" (comme la paraffine, fournie par Rubitherm, un producteur allemand), qui permettent un meilleur stockage que le traditionnel ballon d’eau, et sous une forme quatre fois plus compacte. "La paraffine va se liquéfier en accumulant de la chaleur, et la restituer en se resolidifiant", explique Arnaud Latiers, responsable technique chez Destore.
GRÉGORY MEYS FONDATEUR DE DESTORE: "Notre batterie est recyclable, tant au niveau électronique qu’au niveau des matériaux utilisés."
Ensuite, elle offre la possibilité de différents niveaux de température de stockage (30, 45 et 65 degrés) simultanés au sein d’une même batterie, ce qui permet d’utiliser la chaleur de manière optimale: pour du chauffage en hiver, et de l’eau chaude, quand, en été, chauffer un logement n’a que peu d’intérêt.
Enfin, elle est recyclable, "tant au niveau électronique qu’au niveau des matériaux utilisés", assure Grégory Meys, fondateur de Destore, toute jeune entreprise créée début 2022.
Et le prix?
L’entreprise vise, pour ses batteries, un prix de vente inférieur à 450 euros du kWh installé, c’est-à-dire un prix qui oscillerait entre 1.500 et 4.500 euros pour les batteries destinées à des logements individuels (d’une capacité comprise entre 3 et 9 kWh). Comme des possibilités existent pour les immeubles à appartements – jusqu’à 14 kWh de capacité –, le poids de la batterie peut varier de 40 à 150 kilos.
Le budget total du projet Destore s’élève à 4,8 millions d’euros – dont 3,7 ont été financés par la Région wallonne.
Le projet a été développé par l’UCLouvain, l’ECAM, et deux petits acteurs industriels que sont ATLR (notamment pour l'électronique) et Destore. Le budget total du projet s’élève à 4,8 millions d’euros – dont 3,7 ont été financés par la Région wallonne. Sans surprise, des fournisseurs de pompes à chaleur tels que Daikin ou Van Marcke suivent le projet de près.
Un marché loin d'être mature
Aujourd’hui, une écrasante majorité (environ 80%) de la chaleur produite en Wallonie l’est par du gaz ou du mazout. Et le défi de la décarbonation de la chaleur est encore, dans les grandes lignes, un "trou dans la raquette" des industriels. En témoigne le peu de concurrents directs de Destore en Europe: un en France (Inelio), et un en Écosse (Sunamp).
Destore lance une campagne de financement participatif, qui court jusqu’au 16 février prochain, en vue de construire et installer des prototypes chez les particuliers. L’entreprise cherche 75.000 euros, "un montant qui peut paraître dérisoire en regard du budget total du projet, mais qui doit nous permettre de nous confronter au marché, ce qui n’est pas la vocation des financements publics", précise Grégory Meys. Objectif après une phase d'industrialisation: 25 batteries installées en test chez des ménages pour avril 2026.
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