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Soil Capital, la start-up wallonne devenue fer de lance de la transition agricole


Chuck de Liedekerke est le CEO et cofondateur de Soil Capital.

Soil Capital accompagne la transition d’un millier de fermes vers une agriculture régénérative, pour près de 300.000 hectares en France, en Belgique et au Royaume-Uni. Leader sur ses terres, Soil Capital continue à grandir.


Ceci est l’histoire d’une start-up qui n’en est plus une. Nous sommes à Perwez, dans le Brabant wallon, sur la parcelle pilote de Soil Capital. De l’herbe pour le bétail, des céréales et des noyers. Quatre petits hectares où sont "empilées" les bonnes pratiques de l’agriculture régénérative: pas d’intrants de synthèse, un travail du sol réduit au minimum et une rotation des cultures.


"Pour mesurer le carbone, mais aussi démontrer que la pratique de ce type d’agriculture est au moins aussi rentable qu’en conventionnel", explique Nicolas Verschuere, agronome et cofondateur de Soil Capital, qui s’empresse de pointer les nombreuses cabanes à vers de terre qui jonchent le sol, sortes de renflements bruns dans lesquels s’abritent les lombrics pour se nourrir et rendre service: alimenter la terre en retour, l’aérer et la structurer. Cette terre est vivante. Le champ d’à côté, tapissé d’un vert uniforme, fait bien pâle figure.


Odoo de l’environnement


Pour mesurer l’ampleur que Soil Capital a prise ces dernières années, un détour par le champ ne suffit pas. Il faut déterrer les chiffres. Il y a deux ans, Soil Capital comptait encore 400 agriculteurs adhérents. Ils sont aujourd’hui un millier en France, en Belgique et au Royaume-Uni à passer par cet intermédiaire en certificats carbone pour améliorer la manière dont leur terre stocke du CO2 – l’équivalent de 270.000 hectares.


Après dix ans d’existence, Soil Capital compte désormais une équipe de 50 personnes et plus de terres agricoles dans son programme de transition régénératif qu’il n’existe en Wallonie de terres en grande culture  - c’est-à-dire sans compter les vergers, prairies et maraichages.


4 MILLIONS D'EUROS Au total, plus de 4 millions d’euros auront été versés aux agriculteurs via le programme de Soil Capital en 2023.


Soil Capital mise sur 500.000 hectares à la fin de cet hiver, et se voit comme un "Odoo de l’environnement en Wallonie". Voilà pour l’ampleur.


Transformer le système alimentaire


À l’instar de l’éditeur de logiciels wallon au succès international, le sillon de Soil Capital n’est pas une ligne droite. Conseiller et gestionnaire de terres agricoles en transition à ses débuts, l’entreprise a changé de modèle dès 2018, "pour avoir l’impact voulu dès le départ, permettre aux agriculteurs de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux à grande échelle.

Il fallait faire autre chose que gérer des hectares, et parler au plus grand nombre d’agriculteurs possible, pour transformer un système alimentaire qui ne dépend pas uniquement d’eux. D’où le programme de transition régénératif que nous mettons en place aujourd’hui", retrace Chuck de Liedekerke, CEO et cofondateur de Soil Capital.


Le principe


Le principe du programme en question? Faire le lien entre l’agro-industrie et les agriculteurs en créant les incitants financiers nécessaires. Pour les agriculteurs, il s’agit d’une rémunération supplémentaire au travers de l’adoption de pratiques agroécologiques. Soil Capital récolte chaque année des données auprès des agriculteurs, données qui sont certifiées. Et en fonction de leur degré d’amélioration carbone, les agriculteurs sont rémunérés.


De l’autre côté, les acteurs de l’agro-alimentaire ont besoin d’assurer la pérennité de leur approvisionnement et ont pris des engagements de réduction de leurs émissions de CO2. "Au moins 80% des émissions du secteur proviennent de l’agriculture. Si l’on veut décarboner notre système alimentaire, cela commence par les champs", assure Chuck de Liedekerke.


Les grands s’y mettent


Cet été, l’industriel McCain a fait face à une incertitude de rendement sur les pommes de terre nécessaires à ses frites, et McDonald’s est allé jusqu’à supprimer la tomate de son menu en Inde, face à une flambée des prix. Les grands acteurs de l’agro-alimentaire prennent tout doucement conscience de la nécessité d’une transition alimentaire. "Pas tous, et certainement pas assez vite, mais déjà massivement", estime le CEO de Soil Capital. "Cargill déploie des programmes d’agriculture régénérative au niveau mondial. Royal Canin, par exemple, est une entreprise familiale (du groupe Mars, NDLR) avec une vision de long terme, qui se rend compte qu’il y a un vrai problème. Nous avons aussi des clients cotés en bourse, à l’instar d’AB InBev. Mais le sujet reste plus compliqué pour elles. Le climat n’est pas un sujet trimestriel, ce qui n’empêche pas des Danone ou des Nestlé de s’y intéresser."


La pratique


Concrètement, de grandes entreprises comme AB InBev, IBA ou L’Oréal achètent des certificats carbone à Soil Capital. Certaines le font au sein de leur propre filière, pour rémunérer des fournisseurs qui réduisent leurs émissions (AB InBev, par exemple, pour un producteur d’orge), d’autres sur base volontaire, comme "contribution carbone".


"Nous ne sommes pas encore reconnus à la hauteur de notre potentiel. Mais les entreprises sont prêtes, les agriculteurs sont prêts, l’impact est là, l’urgence est là. Nous avons un boulevard."

L’achat des certificats permet de rémunérer les agriculteurs, en moyenne 10.000 euros par an (ou pour donner une mesure plus praticable dans le métier, 50 euros par hectare) pour un investissement moyen de 980 euros. Soil Capital ponctionne une commission de 30% sur la rémunération octroyée – au total, plus de 4 millions d’euros auront été versés aux agriculteurs en 2023.


Premiers pas


Le public cible de Soil Capital, ce sont les agriculteurs qui doivent faire leurs premiers pas de transition. Les convaincre est "plus facile qu’il y a trois ans", estime Chuck de Liedekerke. "Parce que les agriculteurs achètent des résultats, pas des promesses. Avoir déjà payé des agriculteurs plusieurs fois répond à ce problème."


Certificats carbone, de quoi parle-t-on?


Il faut distinguer le "marché carbone" européen, un système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, du marché volontaire du carbone. Le marché carbone, d’un côté, est une mesure régulatoire imposée aux sites industriels fortement émetteurs de CO2, auxquels un plafond d’émissions de CO2 est appliqué, plafond qui baisse d’année en année. Le marché volontaire, de l’autre, n’est pas un "marché liquide" proprement dit, mais un ensemble de transactions de gré à gré, au sein duquel le prix est fixé au cas par cas, en fonction du projet.


Une entreprise achète un certificat carbone pour réduire les émissions de CO2 de l’un de ses fournisseurs (dites "scope 3" dans le jargon) ou contribuer à les réduire dans un secteur qui n’est pas le sien. "Nous ne faisons pas de compensation carbone. Quand une entreprise agro-alimentaire soutient un agriculteur par notre programme, ce sont les émissions de sa chaine de valeur qui sont concernées – pas des projets à l’autre bout du monde et à la gouvernance souvent compliquée, qui n’ont rien à voir avec ses activités. Les efforts de décarbonation sont alors intrinsèques à la filière", commente Chuck de Liedekerke.


Grandir, encore


Soil Capital, certifiée B Corp en 2022, n’est pas encore rentable. Une mise à l’échelle doit se poursuivre, mais l’objectif de rentabilité est aligné sur l’ambition affichée du million d’hectares en 2025. "Densifier encore notre présence en Belgique et en France est notre priorité, mais nous ne fermons pas la porte à des opportunités d’impact importantes à l'international", nuance le CEO.


Comme équivalents européens, Chuck de Liedekerke cite Klim, en Allemagne, Agrosolutions, en France, et eAgronom en Estonie. "Mais nous avons le plus grand nombre d’agriculteurs dans nos géographies et avons été le premier en Europe à développer un programme certifié."


"Nous ne sommes pas encore reconnus à la hauteur de notre potentiel, mais les entreprises sont prêtes, les agriculteurs sont prêts, l’impact est là, l’urgence est là, et l’environnement régulatoire est propice. Il n’y a plus qu’à dérouler en grand, et nous avons un boulevard."


Ce qui manque à Soil Capital pour tracer plus loin encore son sillon d’une décarbonation agricole, "à ce stade, une promotion active auprès des différents bénéficiaires, entreprises et agriculteurs. L’enjeu est de donner à la Belgique et à la Wallonie un rôle pionnier dans la décarbonation de notre système alimentaire", estime le CEO, qui conclut: "Quand je suis né, les agriculteurs représentaient 6 à 7% de la population, et c’est moins de 1% aujourd’hui. Ne pas réenchanter le métier, ne pas mieux rémunérer ceux qui nous nourrissent, c’est courir le risque de perdre encore des agriculteurs, un risque que nous ne voulons pas prendre."

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