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Comment les darts, un "sport de café", ont conquis le public et les télés


Le public, quasiment toujours déguisé, assiste aux championnats du monde de darts pour la compétition, mais aussi pour l'ambiance qui règne dans la salle.

Les championnats du monde de darts (fléchettes) se déroulent actuellement à Londres. Décryptage d'un phénomène populaire qui attire des millions de téléspectateurs.


Le nord de Londres est envahi, en ce moment, chaque jour par des milliers de personnes déguisées entonnant un répertoire de chants bien à eux. Si depuis 2008, près de 7.000 fans endiablés se rassemblent quasi quotidiennement entre la mi-décembre et début janvier à l'Alexandra Palace (un bâtiment victorien du XIXe siècle reconverti en salle de spectacles), c'est pour une passion commune: les darts. Ou plutôt deux passions communes: les darts et la fête.


Imaginez-vous le croisement entre un carnaval et une guindaille étudiante géante (plus de 500.000 pintes de bière seront vendues au cours des 28 sessions du tournoi), le tout dans une salle chauffée à blanc au rythme de l'arrivée des joueurs, devenus des superstars avec show de lumières et, pour les plus célèbres, des chansons à leur gloire reprises par toute la foule. C'est ça, l'expérience darts.


"C'est vraiment une ambiance comme à l'Oktoberfest. Les gens viennent pour s’amuser, chanter, danser et évidemment regarder un peu de darts", analyse Michel Francken, CEO de Golazo events Belgium, qui organisera en 2024 les deux plus gros événements du genre en Belgique, à savoir deux manches du European tour darts.


Barry Hearn, l'homme qui a révolutionné les darts


"Je veux que les spectateurs reviennent encore et encore – et qu'ils disent à leurs amis qu'ils ont passé une bonne soirée et qu'ils en ont eu pour leur argent", expliquait en 2018, dans une interview à GQ, Barry Hearn, l'homme qui a révolutionné les darts.


En 2001, ce promoteur d'événements sportifs (boxe, snooker, golf...) rachète avec sa société Matchroom sport la majorité des parts de la Professional darts corporation (PDC), la principale fédération de darts. Et il change l'image de ce sport, alors principalement cantonné aux pubs britanniques.


Il pousse les joueurs à être plus exubérants, il leur attribue à chacun un surnom, une musique d'entrée et crée du storytelling pour en faire de véritables stars. Il décide aussi d'internationaliser le sport en créant de nouvelles compétitions et en confiant le développement du sport en Europe continentale à une société distincte.


"À la base, c’est un sport très anglo-saxon, notamment populaire dans tous les pays du Commonwealth. Puis ça a conquis l’Allemagne, les Pays-Bas et maintenant la Belgique. L'engouement grandit aussi du côté des pays de l'ancien bloc de l'Est, surtout ceux proches de l'Allemagne comme la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie", analyse Michel Francken.


La télé, la clé du succès


À tel point que, d'année en année, le sport affole les compteurs. En 2023, plus de 500.000 personnes ont assisté aux quatre coins du monde à une compétition professionnelle. Les 12.000 places mises en vente en novembre pour le Belgian darts open, qui se tiendra en mars 2024 à Wieze (en Flandre Orientale), ont par exemple été vendues en moins d'une journée.


Un succès qui doit beaucoup à la télé et à la simplicité des règles: en partant de 501, arriver à 0 avant son adversaire en terminant par un double ou un Bullseye (le centre de la cible).


"Les darts sont très divertissants, c'est un sport télévisé par excellence. Les matchs peuvent prendre rapidement n'importe quelle direction, ce qui garantit le suspense et fait qu'il est impossible de s'arrêter de regarder. Le format des compétitions, avec plusieurs matchs par session, permet également aux téléspectateurs de facilement prendre le programme en cours", détaille Tine Danschutter, porte-parole de VTM, qui diffuse de nombreuses compétitions.


Les audiences télé connaissent d'ailleurs des records historiques. La finale de l'an dernier entre l'Anglais Michael Smith et le Néerlandais Michael Van Gerwen a été suivie, en moyenne, par près de 2 millions de téléspectateurs au Royaume-Uni.


VTM, la référence en Belgique


Et le phénomène n'épargne pas la Belgique. En Flandre, VTM réalise régulièrement des cartons d'audience. Sur l'ensemble des championnats du monde 2023 (entre fin décembre 2022 et début janvier 2023), la chaîne VTM 2 a atteint une part de marché moyenne de 14,1% durant les soirées et de 23,6% durant les après-midis. Avec comme point d'orgue la demi-finale du Belge Dimitri van den Bergh (une performance qu'il ne pourra pas réitérer cette année puisqu'il s'est fait éliminer vendredi soir au deuxième tour) qui a attiré en moyenne 28,7% de parts de marché, avec même un pic à 545.000 téléspectateurs.


Pour Michel Francken, on doit ce succès en Flandre à une combinaison de facteurs. "VTM a acheté les droits et a beaucoup investi dans les darts. Au même moment, un Belge, Dimitri van den Bergh, a émergé parmi les meilleurs joueurs mondiaux. Pour qu'un sport devienne populaire, il faut des ‘local heroes’, comme on l'a connu avec Kim Clijsters et Justine Henin en tennis. Puis est arrivé le coronavirus. Les gens étaient bloqués chez eux, ne pouvaient plus sortir et ont donc regardé les darts qui étaient diffusés en prime time. Il s'agit en plus d'un sport que n'importe qui peut pratiquer à la maison."


Selon Vincenzo Ciuro, chef de RTL Sports, c'est clairement cette notion de "local heroes" qui fait la différence et qui permet à un sport de sortir de sa niche. "Quand on peut allier une identification nationale et des performances, c’est bingo. On le voit avec les sports qu’on diffuse. Si Wout van Aert participe à un cyclo-cross, les audiences explosent. Tant qu’il n’y a pas un ou des Belges qui performent, qui ont une personnalité intéressante, des histoires à raconter… le sport reste dans sa niche. C’est la même chose avec le hockey par exemple, qui, grâce aux performances de nos équipes nationales, touche aujourd’hui un public beaucoup plus large."


Et en quittant sa niche dans de nombreux pays, les darts ont aussi permis aux joueurs de changer de dimension financière. Pour la saison 2022-2023, ils se sont partagé un prize money de plus de 20 millions d'euros. Le vainqueur des championnats du monde remportera par exemple 500.000 pounds (un peu moins de 580.000 euros). Selon certaines projections, la plus grande star actuelle des darts, Michael Van Gerwen, gagnerait ainsi près de 6 millions de dollars par an en combinant ses gains sportifs et, surtout, ses revenus liés au sponsoring.


RTL fait le pari des darts


Pour la première fois cette année, RTL a acquis les droits pour les championnats du monde du côté francophone. "Cela fait partie de notre stratégie globale de diversification au niveau des sports. On investit dans des sports premium, comme le football, le cyclisme… mais aussi dans des sports plus de niche, comme le padel, le MMA et maintenant les darts", détaille Vincenzo Ciuro, le chef de RTL Sports.


En plateau, on retrouve notamment le journaliste Marc Delire et l'humoriste Alex Vizorek, deux grands amateurs et connaisseurs de darts. La compétition est diffusée sur RTL Play, et certaines sessions en télé sur RTL Club.


"On voit la diffusion de cette année comme un test. On ne s’est pas fixé d’objectifs chiffrés, mais on fera le bilan au courant du mois de janvier. On va voir si les Wallons et les Bruxellois vont mordre à l’hameçon et si l'on peut commencer à écrire une histoire avec les darts du côté francophone", conclut Vincenzo Ciuro.

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